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CSRD
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Sophie Bridier

Interview de Filip Gregor sur la norme VSME

"Les standards VSME normaliseront les flux basiques d'informations ESG". C'est ce qu'explique Filip Gregor, de Frank Bold, membre du SRB de l'EFRAG qui nous donne son opinion sur la norme VSME adoptée en novembre dernier.

En novembre 2024, le Sustainability Reporting Board (SRB) de l'EFRAG a approuvé les travaux techniques menés sur la norme volontaire pour les PME (appelée norme VSME). Pour rappel, les PME non cotées ne sont pas concernées par le rapport de durabilité introduit par la directive CSRD.

La norme VSME  a été transmise à la Commission européenne à la mi-décembre, l’EFRAG agissant en tant que conseil. Et il appartiendra à la Commission de l'adopter sous une forme jugée appropriée. Filip Gregor, Head of Responsible Companies chez Frank Bold - un groupe d'experts internationaux à but précis - membre du SRB de l'EFRAG, représentant la section « société civile » en son sein, nous fait part de son point de vue sur la norme VSME.

Il ne s'exprime ni au nom de l'EFRAG ni de la Commission européenne.


Quels sont les objectifs de la norme VSME ? Pourquoi l'EFRAG a-t-il adopté ces normes ?

La norme VSME vise à préciser les informations qu'une PME doit être prête à fournir aux banques, car celles-ci en ont besoin pour leurs propres rapports et considérations en matière de durabilité. L'objectif de la norme est d'aligner les demandes et les pratiques des banques.

L'un des objectifs secondaires de la norme VSME est de servir de tremplin aux PME pour développer leurs rapports de durabilité, en particulier si leurs partenaires commerciaux sont plus exigeants en matière d'informations sur la durabilité.

  

Ces normes peuvent-elles être utiles aux entreprises dans leurs relations commerciales : par exemple entre une PME et un client plus important ?

Oui, mais il est important de garder à l'esprit que la norme VSME se limite à des indicateurs de base et agnostiques. Les standards VSME normaliseront les flux basiques d'informations ESG.

Les PME ayant des activités ou des relations commerciales à haut risque doivent être prêtes à fournir des informations supplémentaires, courantes dans le secteur, afin d'aider leurs clients plus importants à comprendre s'ils sont exposés à des risques accrus d'impacts graves.

La norme VSME est beaucoup plus légère sur le plan méthodologique et des exigences de publication que les standards obligatoires (ESRS set1). Cela a été jugé acceptable pour trouver un juste équilibre entre la qualité des données et des orientations, d'une part, et la capacité des PME, d'autre part.

La norme VSME ne comprend pas non plus d'éléments importants dont les grandes entreprises ont besoin, tels que les exigences de publication à fournir et les conseils d'application sur l'analyse de la double matérialité, la vigilance raisonnable ou l'approche quant aux émissions de gaz à effet de serre du scope 3. En outre, elle ne fournit pas d'indications sur la prise en compte de la chaîne de valeur ou de la vigilance raisonnable.

Ceci est conforme à l'objectif poursuivi par la norme et à son utilisation par les PME.

  

Une PME doit-elle effectuer une analyse de double matérialité pour déterminer les informations à publier sur sa durabilité ?

La norme VSME n'exige pas d'analyse de matérialité.

Je recommanderais aux PME de comprendre quels sont les 2 ou 3 problèmes les plus importants dans leur secteur. Celles qui commercent avec des partenaires situés dans des pays à haut risque devraient également se demander s'il existe des violations systémiques des normes fondamentales dans ces pays. Toutefois, une analyse complète de matérialité, qui pourrait être vérifiée, n'est nécessaire que dans le cadre du régime obligatoire, et non pour les PME.

Cela signifie également que la norme VSME n'est pas adaptée à une utilisation par les grandes entreprises, ni par les entreprises exposées à des impacts sévères ou à des risques importants.

  

Comment les standards VSME sont-ils structurés ? Y a-t-il des points de données qui doivent être divulgués ?

L'EFRAG est parvenu à un accord technique sur la norme VSME. L'avis technique final est encore susceptible d'être modifié, et la Commission européenne peut décider d'apporter d'autres changements. Cela étant précisé, la norme VSME comporte deux modules.

Le premier module dit "Basique" fournit une liste d'indicateurs clés de performance (KPIs) de base, tels que les émissions de gaz à effet de serre des scopes 1 et 2. Le second module, dit "Complet", présente des informations plus avancées qui doivent être prises en compte par les PME ayant des partenaires commerciaux plus exigeants, tels que leurs investisseurs. Il comprend les éléments de base à divulguer sur des informations plus complexes, tels que des objectifs de décarbonation ou des politiques en matière de droits de l'homme. L'objectif est d'indiquer aux partenaires commerciaux que les PME ont mis en place certaines initiatives et d’indiquer directement aux PME comment développer leurs rapports de durabilité et leur gestion en la matière. Mais il ne va pas jusqu'à fournir un cadre de divulgation complet pour l'établissement de rapports réglementés sur ces questions. Par exemple, la publication de politiques en matière de droits de l'homme se limite en grande partie à des questions du type « cases à cocher » pour savoir si la PME dispose d'un code de conduite concernant les droits de ses propres travailleurs.

  

Comment une PME peut-elle analyser ce qu'elle doit ou ne doit pas publier ? Doivent-elles divulguer tous les sujets couverts par ces normes ?

Les PME peuvent choisir entre le module de base uniquement ou le module de base et le module complet. De nombreuses informations, en particulier dans le module complet, sont présentées en mode "si".

La norme VSME mentionne la possibilité pour les PME d'inclure des informations supplémentaires, ce qui peut s'avérer approprié. Toutefois, étant donné qu'elle ne fournit aucune instruction sur la matérialité, elle n'impose pas non plus d'exigences ou d'orientations sur la manière dont les PME peuvent déterminer ces informations supplémentaires. Il existe au moins quelques exemples illustrant les cas où la publication des émissions du scope 3 peut être pertinente.

Personnellement, je recommanderais aux PME d'examiner les questions les plus pertinentes communes à leur industrie et à leurs relations d'affaires, comme je l'ai mentionné plus haut.

  

Les normes définissent un module complet. Que recouvre-t-il ?

Le module complet commence par une suggestion très « soft » et indirecte de publier les émissions du scope 3, le cas échéant, mais cela reste une exigence « spécifique à l'entité », et donc en dehors de la norme.

Les informations à fournir dans le module complet concernent, par exemple : 

  • les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre,
  • le ratio femmes-hommes au sein de la direction,
  • des informations du type « case à cocher » sur le code de conduite et les politiques en matière de droits de l'homme destinées à la main-d'œuvre propre à l’entreprise

Pouvez-vous nous donner un exemple d'informations à divulguer sur une question environnementale ?

Oui. Il peut s'agir :

  • des émissions de gaz à effet de serre des scopes 1 et 2,
  • de données sur la pollution déjà exigées par une loi ou d'autres réglementations nationales,
  • de données concernant les prélèvements d'eau,
  • de la présence ou non de sites de la PME dans ou à proximité de zones sensibles sur le plan de la biodiversité, 
  • de l'application ou non par l'entité des principes de l'économie circulaire,
  • et de chiffres basiques sur les déchets.

Qu'en est-il des questions sociales ?

Il peut s'agir d'informations sur :

  • l'équilibre entre les contrats permanents et les contrats temporaires,
  • de données sur les accidents et les blessures,
  • et de données sur l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Ces dernières peuvent être omises par les PME qui ne sont pas tenues de les communiquer en vertu de la directive sur l'égalité de rémunération.

  

Pouvez-vous nous donner un exemple en matière de gouvernance ?

Les informations à fournir pourraient concerner les condamnations et les amendes reçues au cours de la période de référence pour des violations des lois anti-corruption/pots-de-vin.

  

Quelles sont les prochaines étapes pour ces standards VSME ?

Les prochaines étapes sont entre les mains de la Commission européenne. La norme VSME n'est pas censée être un sujet controversé, mais il est difficile de dire si les plans initiaux seront maintenus ou s'ils seront bouleversés à la lumière de l'annonce de la présidente von der Leyen sur l'omnibus.

Le problème, à mon avis, est que la nouvelle Commission semble être confuse sur le lien entre la compétitivité, la protection de son industrie et la sécurité d'une part, et la durabilité, d'autre part. À cet égard, j'encourage tout le monde à lire le rapport Draghi et à y réfléchir, plutôt que de laisser les associations de lobbying le faire à leur place.

Il est révélateur que les dirigeants de la Chine et de la Russie soient beaucoup moins confus. Ils sont tout à fait conscients de l'effet, sur les règles de marché, des exigences de l'UE en matière de rapports de durabilité et de devoir de vigilance, ainsi que du MACB (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières). Dans la récente déclaration des BRICS, faite lors du sommet de Kazan, ils ont appelé l'UE à se débarrasser de ces lois et à cesser de perturber la libre concurrence.

Interview par Sophie Bridier

Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible.

Antoine de Saint Exupéry, Citadelle, 1948

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