
Sophie Bridier
Feb 26, 2025
Le rapport de durabilité avec Loïc Chavaroche
« Nous coconstruisons notre rapport de durabilité et nous fiabilisons nos données »
Loic CHAVAROCHE est directeur qualité, sécurité, sûreté, environnement (QSSE), RSE du Groupe STERNE . Il est à la tête d’un service large : sept personnes en France et quatorze personnes en Allemagne travaillent à ses côtés dont quatre personnes sur la RSE et ainsi à la production du rapport de durabilité. Il nous explique comment il a collecté les données brutes et des éléments concernant les politiques et actions mises en place au sein de son groupe auprès de ses parties prenantes internes.
Le Groupe Sterne est « leader de la logistique premium bas carbone en Europe ». Il comptabilise 2 200 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 540 millions d’euros (en 2023). Il opère tous types de transport premium (urbain, urgent, express, régulier et sur-mesure). Le Groupe agit en tant que « transporteur, commissionnaire en transport et en douane, transitaire aérien et prestataire de solutions courrier ». Il dispose de 84 agences au sein de l’UE et à l’international et travaille avec 5 000 partenaires. Son objectif premier, en termes de RSE, est de décarboner sa filière. Pour ce très gros acheteur de prestations de transport, 93 % de ses émissions de carbone proviennent du scope 3.
Il y a deux dimensions à avoir en tête. La première est la collecte de data numériques, pures et dures. Il s’agit pour nous principalement des factures d’électricité, de gaz, etc., ainsi que des données RH. Nous avons fait le choix suivant : ces premières données sont collectées par le service RSE/ESG (en France et en Allemagne), les secondes par les services RH. Nous les retrouvons via nos systèmes de gestion électronique de documents (GED) ou nos systèmes d’information (SI) RH. Ce premier jeu de données est ainsi préqualifié car elles sont passées en comptabilité et elles sont introduites dans « une piste d’audit », c’est-à-dire qu’elles sont vérifiées par nos commissaires aux comptes via un processus mis en place. La prochaine étape, en 2025, est d’obtenir un téléversement de ces factures d’électricité et de gaz depuis l’émetteur de la donnée (notre fournisseur) dans notre logiciel de collecte de data. Nous gagnerons ainsi du temps. Concernant les données en matière de chiffre d’affaires, etc., nous sommes directement logués sur nos outils de contrôle de gestion pour obtenir ces informations. Cela nous évite tout phénomène de rejet de la part des fonctions opérationnelles. Nous fonctionnons au trimestre. Si nous avons des questions sur ces data, nous contactons les équipes opérationnelles. Sur les données RH, par contre, nous faisons appel à des analystes spécialisés dans ces données au sein des équipes RH en France et en Allemagne qui travaillent sur les SI RH. Ils réalisent des bilans statistiques sur ces données hautement sensibles. Cela permet ainsi d’assurer la confidentialité des données et « d’encapsuler » chacune de ces data.
Nous devons toutefois collecter des données auprès des fonctions opérationnelles dans nos agences, comme celles relatives au nombre de véhicules prestataires et de cartes grises, pour montrer que notre flotte de véhicules est peu polluante (100 % du parc est noté Euro5 ou Euro6). Sur cela nous les contactons. Nous travaillons également avec eux, de façon trimestrielle, sur leurs analyses de corruption, afin de savoir s’ils ont eu des retours concernant le non-respect de notre code éthique. Nous souhaitons ainsi dialoguer avec eux et les laisser se focaliser sur leur cœur de métier.
La seconde partie de la collecte de données concerne les actions et les politiques internes dont le groupe dispose. Pour mener à bien cela, nous réalisons des entretiens d’environ deux heures. Dans un premier temps, nous préparons ces entretiens en balayant avec eux la partie des rapports extra-financiers précédents les concernant. Nous les amenons à réfléchir également aux axes d’amélioration à présenter. Nous leur demandons de documenter les politiques qu’ils font ainsi remonter. Ce qui nous permet de lire les documents recensés, telle qu’une politique d’achats responsables, par exemple. Nous réalisons ensuite avec eux l’entretien, en tant que tel, que nous enregistrons et les préparons à la phase d’audit. Ainsi nous obtenons de la data et des citations ou des éléments rédactionnels que nous introduisons dans notre rapport.
Nous coconstruisons notre rapport de durabilité et nous fiabilisons nos données.
Deux personnes de l’équipe réduite RSE/ESG collectent ces données à tour de rôle. Nous travaillons beaucoup avec des alternants que nous souhaitons garder durant 4 à 5 ans en poursuivant l’objectif de les embaucher par la suite. Souvent, ils débutent sur les sujets de QSSE. Ils se spécialisent ensuite sur la partie RSE/ESG. Nous les formons et les faisons monter graduellement en compétences. Ils travaillent au début de leur alternance sur de la saisie de données. La valeur ajoutée de la tâche peut paraître faible mais cela permet d’apprendre la rigueur liée à la saisie et au contrôle de la donnée. Les données, par exemple, ne sont pas toujours écrites au même endroit sur des factures émises dans des langues différentes. Cette partie est fastidieuse mais c’est un révélateur de la complexité réelle du travail à mener en RSE/ESG.
Nos alternants évoluent aussi sur la réalisation de notre bilan carbone interne et de ceux émis pour le compte de nos clients (nous réalisons un peu plus d’un millier de bilans carbone pour nos clients par an). Dès la première année, nous cherchons à leur faire comprendre ce que constitue un audit. Nos alternants découvrent ainsi les différentes fonctions de notre direction et sont totalement opérationnels à la fin de leur parcours.
Nous réalisons des entretiens avec notre Président, les membres du Codir Groupe et les directeurs dans les branches, c’est-à-dire les directeurs achats en France et en Allemagne et de nos différentes business units (BU). Nous interrogeons également la DRH Groupe et les RRH par BU, de même que le DAF Groupe. Nous menons des entretiens avec les directeurs commerciaux et des services informatiques par pays ainsi qu’avec les personnes responsables de la mise en œuvre du RGPD. Nous élargissons notre cercle années après années. Nous avons aussi changé l’ordre des entretiens. Au début nous commencions par l’interview de notre Président et nous avons décidé, plus récemment, de clôturer notre démarche avec lui. Il donne l’impulsion mais cela permet aussi de lui faire un feed-back précis des actions en court.
Pour moi, c’est très important d’aboutir à un document de reporting participatif et qui va au-delà de l’obligation déclarative. Au début, les directeurs commerciaux ne voyaient pas l’utilité de ces entretiens. Depuis, ils ont changé d’avis et ont proposé d’inclure dans le rapport de « cas clients ». Nous documentons ainsi, au travers d’exemples, une action. Nous réalisons beaucoup de transports de colis et de lettres pour nos clients (administrations, banques, notamment) et nous avons des plateformes de tri du courrier. Nous réalisons cette prestation pour eux et de la numérisation ainsi que de l’affranchissement de courriers. Ce métier, nous le faisons de plus en plus en cotraitance avec des entreprises adaptées. Dans notre rapport de durabilité, nous avons donc présenté cette initiative avec l’aide d’un de nos clients et de l’entreprise adaptée. C’est la meilleure preuve à amener d’une participation active des parties prenantes au rapport. Le « cas client » présente la traduction effective de notre action en termes d’inclusion.
De plus, nous ne réalisons pas seulement un reporting groupe : nous l’avons découpé pour représenter nos différentes BU contributrices. Nous avions déjà organisé notre rapport comme cela il y a un an. Cette année nous avons innové en incluant nos « cas clients ». Notre rapport de durabilité est lu et entraîne de la participation en interne.
Nous avons trouvé des pépites. Un site avait notamment mené une expérimentation sans nous le dire pour supprimer des palettes, remballer, reprotéger des colis. Nous avons aussi découvert l’utilisation de gammes d’emballages différentes en fonction des pays. Nous avons alors opté pour des emballages réutilisables à très longue durée de vie que nous avons généralisés partout.
Il nous est également arrivé de trouver des documents dans certains sites. Un manager, par exemple, avait créé un document d’accueil pour des prestataires dans lequel il avait repris une partie de notre documentation RSE. Nous avons donc généralisé son document.
Sur les questions sociales, nous avons vu de réelles différences entre les pays. Les Allemands sont très avancés sur les thèmes de l’inclusion et de la diversité. Une personne de l’équipe en Allemagne détient un master spécialisé sur ces questions. Son expertise a amené une richesse dans nos échanges et le dialogue.
Un groupe se constitue d’individualités qui de par leurs expériences et leur vie ont une approche différente des choses.