Dans l'actualité ESG cette semaine, on vous explique comment va se dérouler le projet Omnibus puis on vous donne les dernières positions des acteurs pour et contre !
Omnibus : comment ça va se passer ?
La Commission européenne a annoncé la révision des directives CSRD et CS3D ainsi que du règlement taxonomie via un paquet “omnibus”. Comment cela va-t-il se passer concrètement?
Le média Européen Euractiv a révélé un projet - annexé au programme de travail de la Commission - qui décrit notamment les textes légaux prévus sur l’année 2025. Ce projet pourrait toutefois être amendé durant les prochains jours.
Quand l’omnibus sera-t-il présenté ?
On y découvre que la Commission devrait présenter en réalité trois projets omnibus:
- un premier paquet sur la durabilité, prévu au premier semestre 2025. La proposition est attendue le 26 février prochain par toute la communauté ESG. Selon le média Responsive Investor, ce premier projet pourrait finalement être reportée au mois de mars;
- un second paquet dédié aux entreprises de taille intermédiaire ainsi qu’à “la suppression d’exigences papiers”. Cette seconde proposition serait plutôt tablée sur le second semestre 2025;
- un troisième paquet portant sur la simplification des investissements, également prévu au second semestre 2025. La révision du règlement taxonomie pourrait donc en faire partie.
Que va-t-il se passer ensuite ?
Une fois que la Commission européenne propose un texte, le débat législatif débute. Les députés du Parlement européen et les représentants des Etats membres, réunis au sein du Conseil de l’UE, vont modifier la proposition de la Commission européenne, via l’introduction d’amendements. Ce sont les deux seuls organes à détenir le pouvoir législatif.
Un débat, cela prend un minimum de temps. Par le passé, il y a déjà eu des textes “omnibus”, notamment sur la PAC ou la protection des consommateurs. Le processus législatif a duré entre 12 et 18 mois. Ce qui nous amène, au plus tôt, à mars 2026, date à laquelle les seconds rapports de durabilité sont attendus de la part des grandes entreprises.
Il pourrait aussi y avoir besoin de transposer à nouveau les nouvelles directives dans chacun des droits des Etats membres de l’UE. En moyenne, les Etats disposent de 6 mois pour transposer une directive européenne. Ce qui nous conduit à septembre 2026, soit après la période des assemblées générales statueront sur les rapports de durabilité 2025.
En attendant, il est peu probable que les pays ayant déjà transposé la CSRD renvoient de manière unilatérale leur droit car cela pourrait être considéré comme illégal.
Les différents paquets omnibus laissent donc planer un flou sur l’attitude à adopter par les grandes entreprises et les ETI qui se préparent actuellement à la réalisation de leurs premiers rapports.
Quelles seraient les pistes envisagées par la Commission ?
Le media Reponsive Investor avance plusieurs pistes, qu’il tiendrait de sources proches de la Commission européenne:
- elle envisagerait d’aligner les seuils des directives CSRD et CS3D, afin que seules les entreprises de plus de 1000 employés soient concernées;
- le principe de double matérialité pourrait être revu pour imposer une simple matérialité aux entreprises;
- onze points importants de la CS3D pourraient être revus (notamment la question des plans de transition ou de l’engagement de la responsabilité civile des sociétés).
Tout cela peut toutefois encore évoluer, les propositions législatives n’ayant pas encore été officiellement présentées.
Omnibus : les dernières prises de position exprimées
La semaine dernière, de nouvelles positions ont été exprimées sur le futur projet de texte dit “omnibus”. Le point sur les acteurs qui défendent l’omnibus et ceux qui s’y opposent. On vous a constitué un tableau récapitulatif.
Les “contre”
Modification de la CS3D : plus de 150 organisations représentatives de la société civile s’y opposent
Dans une déclaration commune, publiée le 5 février, ces organisations:
- s’opposent fermement à la réouverture d’un débat législatif portant sur des législations adoptées précédemment, en particulier sur la Directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CS3D). Elles pointent, notamment, les risques associés à l'incertitude réglementaire, la mise en péril des investissements, les retards dans les progrès réalisés et la pénalisation des entreprises en conformité ;
- réaffirment leur soutien fort à une application effective des lois à travers l’adoption de mesures interprétatives et de lignes directrices sur les textes. Elles évoquent la nécessité pour les entreprises et les parties prenantes d’obtenir des clarifications sur les principes clés des règles juridiques ;
- expriment leurs inquiétudes sur les procédés employés par la Commission européenne pour réformer les textes. “L'approche actuelle, marquée par l'absence d'une évaluation d'impact approfondie, l'absence de preuves, le mépris du consensus politique antérieur, une transparence limitée et une inclusion inadéquate et biaisée des parties prenantes, est tout simplement inadéquate au vu de la nature et de la portée potentiellement étendue de cette initiative Omnibus”, évoquent ces organisations.
Plus de 200 investisseurs demandent de préserver l’intégrer et l’ambition du cadre de l’UE sur la finance durable
A l’aide d’une autre déclaration commune publiée le 4 février, plus de 200 acteurs du secteur financier insistent sur la nécessité de:
- préserver les fondements des réglementations CSRD, CS3D et de la taxonomie pour maintenir leur efficacité et la stabilité réglementaire;
- faciliter la mise en œuvre de ces règles en fournissant des orientations aux entreprises - par le biais de F.A.Q, de lignes directrices et de recommandations - en incluant, le cas échéant, des orientations spécifiques à certains secteurs;
- assurer l'interopérabilité entre les ESRS et les normes internationales pertinentes (ISSB, GRI, SASB) pour alléger les charges de reporting;
- exploiter et développer des solutions numériques et technologiques existantes pour réduire les coûts et les charges de reporting.
Les “pour”
Les organisations patronales française, italienne et allemande souhaitent une révision conséquente des champs d’application de la CSRD et de la CS3D
Le MEDEF en France, la BDI en Allemagne et la Confindustria en Italie, soutiennent “fermement” l’annonce du projet “omnibus”, dans une déclaration conjointe.
Sur la CSRD, ils souhaitent :
- un report de 2 ans du premier reporting de durabilité demandé aux entreprises;
- une réduction significative du champ d’application de la directive: en prenant pour base les seuils mis en place dans la version actuelle de la CS3D (avoir au moins 1000 employés et un total de bilan d’au moins 450 millions d’euros);
- une baisse drastique du nombre de points de données et d’indicateurs clés à présenter dans son rapport;
- un abandon des standards sectoriels;
- une limitation de la chaîne de valeur à prendre en compte (c’est-à-dire seulement les fournisseurs directs) avec un report à 2027 de cette exigence.
Sur la CS3D, les organisations patronales sont notamment en faveur d’une :
- suspension de l’application de la CS3D afin de mener une analyse détaillée de l’impact de ses obligations sur la compétitivité des entreprises;
- réduction du champ d’application du texte qui s’appliquerait uniquement aux grandes entreprises de plus de 5000 employés et générant un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard d’euros;
- limitation des responsabilités en prenant en compte uniquement les fournisseurs directs (niveaux 1 et 2) avec lesquels les entreprises ont des relations contractuelles directes;
- disparition de la possibilité d’engager la responsabilité civile d’une entreprise et de lui imposer des sanctions financières.
Des changements substantiels sont également attendus concernant le règlement taxonomie.
La Fédération bancaire européenne demande un allègement des ESRS et ne veut pas de la CS3D
Du côté de la Fédération bancaire européenne (EBF), il est demandé, dans un document daté du mois de février les modifications suivantes.
Concernant la CSRD :
- de conserver le champ d’application existant de la CSRD (à l’exception des filiales et des holdings déjà incluses dans le reporting consolidé. Pour information, à ce jour, seules les filiales et les holdings qui sont des grandes entreprises cotées sur un marché réglementé de l’UE doivent rédiger un rapport individuel même si elles sont incluses dans le rapport consolidé);
- revoir les seuils pour les établissements de petite taille et non complexes;
- éviter les chevauchements entre les exigences de publication liées à la CSRD et les autres règlements de l'UE, c'est-à-dire que les informations ne devraient être communiquées qu'une seule fois;
- revoir les standards ESRS en les allégeant d’informations jugées sectorielles par la Fédération;
- mettre en place des normes sectorielles selon les principes suivants : les travaux devraient se concentrer sur des orientations spécifiques au secteur bancaire nécessaires à la mise en œuvre des normes agnostiques (ESRS existants) et sur l’ajustement de plusieurs points de données sectoriels, inscrits dans les ESRS actuels, qui ne conviennent pas au secteur bancaire;
- fournir rapidement des lignes directrices aux auditeurs pour assurer une approche pragmatique du principe d’assurance limitée de l’information de durabilité;
Concernant la CS3D :
- ne pas conserver la clause prévoyant une inclusion à terme des institutions financières dans le champ d’application de la directive;
- assurer un meilleur alignement entre le principe de matérialité défini dans la CSRD et la CS3D. Ainsi, seuls les impacts identifiés comme matériels, au titre de la CSRD, constitueraient des impacts à adresser au titre de la CS3D;
- ne pas conserver le principe d’engagement de la responsabilité civile d’une entité en cas de non conformité à la CS3D;
- assurer la publication de lignes directrices au minimum 2 ans avant l’application de la directive;
Concernant la taxonomie : réduire le nombre de modèles sur les ratios d’actifs verts pour les banques.